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Marièva Sol

Art, philosophie, littérature et enseignement

Poésies

Les poèmes qui suivent sont tirés de mon recueil "LA LECTRICE NOCTURNE"

Premier regard

A toi qui va me lire

Avant tout je dois dire

Pas une seule parole

Qui ne cache un soupir

C'est mon cœur que tu voles

Et parfois c'est bien pire

Quand tu poses un regard

Sur ces pauvres écrits.

Feuillette avec égard

Le petit manuscrit

Car toujours indiscret

Tu dévoiles une femme

Ses désirs, ses secrets

Les tourments de son âme

Chaque mot est un cri

D'espoir ou de détresse

C'est pourquoi je te prie

Agis avec tendresse

Cache un peu ton mépris

Pour tant de pauvreté

Garde-moi à l'abri

De dures vérités.

En étant maladroit

Tu vas briser un rêve

C'est un cœur que tu broies

Si ta réponse est brève

Ne sois donc pas blessant

En étant trop sincère

Ou en me repoussant

Avec de la colère

Te voilà prévenu

A présent je me livre

Le moment est venu

D'ouvrir le petit livre.

 

      *******

Mélodie

 

Ma mélodie est plus douce que la tienne, et pourtant c'est elle qui survivra. Quand seront mortes les colères, les haines, les chants d'adieu, de désespérance et les désirs noyés de larmes, ma mélodie comme une note oubliée, comme une goutte d'huile déposée au fond d'une urne de vin t'apparaîtra pour te charmer. C'est la bulle de lumière et d'air retenue par l'araignée d'eau, la minime clairvoyance quand en toi tout abandonne le jour. C'est l'ultime espoir, celui dont on dit qu'il est le plus fort parce que c'est le seul que peuvent retenir les mains les plus malhabiles. De cette note unique tu feras des symphonies immenses qui parleront du monde, de tous les mondes qui existent au monde ou qui n'existent pas et de beaucoup d'autres choses, des choses en couleurs, des choses en reliefs, des choses en croissance qui ne déclinent jamais et qui montent dans le jour, croches accrocheuses de lumière, noires claires comme la vie dans leur briève pureté, blanches et rondes languissantes qui s'attardent infiniment dans l'aube oscillante. Écoute ! Écoute cette musique qui emplit ton cœur de jours de fête, ces pagailles espérantes qui respirent, anachroniques, en toi, et ces simplicités blondes à humer savamment avec respect, demain.

                                                                  *******

Encre rouge

Je ne remplis pas mon stylo

Avec de l'huile ou bien de l'eau

Sur le papier cela s'efface

En ne laissant aucune trace

Je le remplis cela se sent

Uniquement avec du sang

Et voulez-vous que je vous dise

L'encre vivante où je la puise

Le plus souvent c'est en mon corps

Que je la cherche tout d'abord

Les jours où mon cœur se tortille

J'y plonge une petite vrille

Il n'y a rien de plus banal

D'y creuser ainsi un canal

D'où s'écoule un riche liquide

Souvent poisseux, parfois limpide

Selon la nature de la chose

J'écris en mauve ou bien en rose

Il m'arrive d'atteindre une artère

Et si c'est un jour de colère

Sur le papier ça gicle rouge

Ca éclabousse ça vit ça bouge

Je ne sais comment éponger

Ce flot puissant et enragé

Si je ne veux que quelques gouttes

Seulement pour me mettre en route

Je fais la ponction dans ma tête

Et très patiemment je tète

Des souvenirs des rêveries

Aux sources non encore taries

Ce sang là est un vin léger

Sur lequel viennent surnager

Des mots doux et mélancoliques

Et des images allégoriques

Quand le message paraît haché

Sachez qu'à mes poignets tranchés

J'ai recueilli l'encre de mort

Amère croupie comme un remords

L'encre de la non espérance

Qui dit néant et délivrance

Mais ce n'est pas toujours en moi

Que je trempe ma plume d'oie

Parfois sur les champs de bataille

Je fais de macabres trouvailles

Et cela m'arrive de saigner

Les cadavres sur leur charnier

Mon stylo s'emplit de microbes

Mais si vous me couvrez d'opprobre

Quand je déverse sur le monde

Des semences à l'odeur immonde

Couvrez-en donc les médecins

Quand ils injectent un vaccin

Pour sauver quelque moribond

Avant qu'il ne crève pour de bon

J'ai un dernier aveu à faire

Après lui je pourrai me taire

Certains jours et c'est idéal

Il m'arrive un fait peu banal...

Que m'attende une plume pleine

Sans même que j'ai pris la peine

De la charger d'aucun liquide

J'étais certaine qu'elle était vide

Et la voici pleine à merveille

D'un sang à nul autre pareil

Et voici mon stylo qui vole

Et qui invente des paroles

Gorgées de vie et de lumière

Et de promesses et de mystère

Et de joie et de réconfort

Déferlant d'un amour si fort

Qu'il en devient presque effrayant

Tellement il brûle en irradiant

Et je l'avoue cela me dépasse

Dans les mots vigoureux qui passent

Aucun ne vient j'en suis certaine

Ni de mes joies ni de mes peines

Et j'ai l'esprit trop limité

Pour avoir pu les inventer

Qui donc ainsi a pris ma place

Et change en feu ce qui fut glace ?

Qui ?

                  *******

Le bouquet d'autel

Seigneur

 

Voici qu'au pied de ton autel j'ai déposé

Une haute gerbe de mes mains composée

Le glaïeul orgueilleux sur les roses se penche

Les lierres amoureux enlacent les pervenches

Immobiles et mouvants en un élan gracieux

Les calices vivants se tendent vers les cieux

Et c'est un peu de grâce et un peu de tendresse

Ce sont des teintes fraîches pour embaumer la messe

Puis comme une prière pour t'honorer, mon Dieu

Au sommet du bouquet se tend un lys radieux.

Cependant tu le sais, là n'est pas ton offrande

Celle-ci n'est ni de rose ni de lys ou lavande

Ton offrande vivante, elle est là à genoux

C'est une humble servante dont les deux mains se nouent

Avec plus de ferveur qu'elles ne furent jardinières

Afin que vers toi monte une ardente prière

Ce cœur de femme sans doute indigne de pardon

Accepte-le, mon Dieu, c'est celui-ci le don

                              *******

Une femme

C'est joli une femme parce que ça frémit

Ça frémit tout le temps

Et à tous les vents

Ça frémit d'inquiétude

Près du berceau

De l'enfant malade

Ça frémit d'espoir

À chaque lettre

De l'amant prisonnier

Ça frémit mystérieusement

Aux crépuscules insolites

Ça frémit à genoux

Au pied des calvaires

Ça frémit sentimentalement

Pour un je t'aime

Et ça se bouleverse

En frémissant

Pour un regard d'amour

Ça frémit dans les larmes

À chaque abandon

Et ça supplie en frémissant

Pour un peu de pitié

C'est joli une femme parce que ça frémit

Ça frémit comme un violon

Quand on y pose une bouche

Et ça frémit mieux encore

Quand on y pose son corps

C'est joli une femme quand ça frémit

De joie.

                  *******

Elle

Je vis de mes regrets, je vis de ses promesses, je meurs quand il fait jour, je renais aux pénombres. Les aubes me sont permises, ainsi les crépuscules. Je ne contrains mon cœur qu'à naître ou à mourir. Mon corps n'est que mon âme. Mon âme est par mon corps. Dans les sous-bois propices, je me nourris de miels tamisés, de plein-jours adoucis car les ardeurs de la lumière se font tendres dans mes cachettes ombragées de verdure. Là je m'habite de solitude, je me parle ainsi qu'à une amie et les insectes me visitent me croyant végétale. Les paix que je goûte ne sont pas éternelles car pour être immortels les faunes doivent mourir sans cesse. Les ciguës ont l'amertume des jours qui tombent. Cela les rend redoutables et délicieuses. Je me nourris des ciguës en soupirant sur une autre. Nul ne sait où je suis. J'ai cru mourir et je n'existe pas. Je n'aime faire que l'amour. Demain le silence se peuplera de chants d'oiseaux et je serai jeune.

 

                                                                      *******

Onction

Sur tes pieds fatigués

Tes orteils poussiéreux

Qui avaient tant peiné

Esclaves de ton dire

Un nectar a coulé

En drainant dans son flot

Le soupir d’une femme

 

Marie t’a irrigué

Du parfum onéreux

D’un baiser prosterné

Où venaient s’alanguir

Ses cheveux emmêlés

Limpides comme l’eau

Et chauds comme la flamme

 

Cet amour odorant

T’a embaumé le cœur

D’un désir enivrant

De paix et de douceur

 

Être un homme

           mais

Rien qu’un homme

 

Et comme tout humain

Prendre au creux de tes mains

Comme on boit un mirage

L’ovale d’un visage

 

Être un homme

        mais

Rien qu’un homme

 

Et vivre paysan

Connaître la vieillesse

Charpentier ou pêcheur

Et parfois la paresse

Sans destin menaçant

Et sans compte de l’heure

 

Ne rêve pas Jésus

Rappelle-toi

Tu l’avais dit toi-même

 

Les oiseaux ont un nid

Les renards un terrier

Le fils de l’homme, lui,

        N’a pas

Où reposer la tête

 

Ne rêve pas Jésus

Rappelle-toi, demain

 

Et baisse le regard

Vers tes pieds parfumés

Du précieux nectar

Vois que s’y plante un dard

Qui les a entamés

déjà

Un pétale sanglant

S’y dessine discret

La souffrance s’écrit

Sur ta peau odorante

Comme l’est un tombeau

Demain il n’est que temps

De marcher au supplice

 

Hâte-toi chancelant

Terrassé et secret

D’avancer sans un cri

Vers ta mort effarante

Ployé sous le fardeau

Du bois des pénitents

De la lie du calice

 

Être un homme

        mais

Rien qu’un homme

 

L’arôme de la croix

Entêtant et suave

S’exhale de la joie

De Marie douce et grave

Qui caresse tes doigts

Qu’innocente elle lave.

 

         ******

Lui

Aux aubes qui somnolent

Un jour tu te penchas

Aux aubes qui s'animent

Et je te découvris

Aux aubes qui hésitent

Bientôt tu m'éveillas

Aux aubes qui s'étonnent

Et je te regardai

Aux aubes qui s'étirent

Je crus te reconnaître

Aux aubes qui s'attardent

Bientôt tu pus me prendre

Aux aubes qui languissent

Je connus mon bonheur

Aux aubes qui s'épanchent

J'étais déjà une autre

Aux aubes qui pâlissent

Je me sentais si lasse

Aux aubes qui frissonnent

Je me mis à attendre

Les aubes qui somnolent.

             *******

Qu'enfer

La haine de l'écorché que l'on a caressé

La haine pour le rentier de qui est harassé

La haine de panse vide pour panse rassasiée

La haine du travailleur que l'on a licencié

 

Qu'en faire, mon Dieu, qu'enfer

 

La haine de l'enfant fou qu'on force à raisonner

La haine de l'homme avare qu'on oblige à donner

La haine de tous ceux-là qui tremblent ou qui ont peur

La haine de l'assisté envers son bienfaiteur

 

Qu'en faire, mon Dieu, qu'enfer

 

La haine de qui est né cinq cent mètres plus loin

Pour celui qui est né cinq cent mètres moins loin

La haine de ces deux-là pour l'autre bout du monde

Ta haine tête crépue, ta haine tête blonde

 

Qu'en faire, mon Dieu, qu'enfer

 

La haine du corps trapu pour le corps effilé

La haine de qui aimait pour qui s'en est allé

La haine de qui est beau pour qui l'a oublié

La haine pour qui commande de qui est humilié

 

Qu'en faire, mon Dieu, qu'enfer

 

La haine définitive d'anciens persécutés

La haine pour l'homme heureux de qui a tout raté

La haine du sabotier pour qui porte pantoufle

La haine pour qui est jeune de qui n'a plus de souffle

 

Qu'en faire, mon Dieu, qu'enfer

 

La haine du pas pareil vivant différemment

La haine de qui n'est pas aimé suffisamment

La haine née dans l'alcool ou la prostitution

La haine de qui n'écoute que ses ambitions

 

Qu'en faire, mon Dieu, qu'enfer

 

La haine pour se défendre et la haine pour prendre

La haine pour qui prêta de qui ne veut pas rendre

La haine du condamné pour qui va lui survivre

La haine pour qui appelle de qui ne veut pas suivre

 

Qu'en faire, mon Dieu, qu'enfer

 

La haine de la méfiance et celle de la souffrance

La haine du pauvre hère pour qui a trop de chance

La haine irrationnelle devenue légitime

La haine pour leur bourreau de toutes les victimes

 

Qu'enfer, mon Dieu, qu’enfer ?

                             *******

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